PLAINTE PENALE ET SUSPENSION D’UN ENSEIGNANT : UNE MACHINE TOUJOURS INFERNALE
21 MARS 2017 – Ce matin, SHBKAVOCATS assistait un enseignant, professeur d’éducation physique, dans le cadre d’une audition libre (article 61-1 Code Procédure pénale). Ce dernier faisait l’objet d’une enquête préliminaire pour des faits d’attouchements sexuels rapportés par des élèves au directeur de son établissement. Une fois de plus la machine infernale : un conflit mineur entre professeur et élèves, des accusations imprécises et collectives, « relativement » spontanées .. et un signalement au Procureur de la République par ce même directeur. Compte tenu du signalement, le Rectorat prend une mesure de suspension « à titre de précaution » et « pour protéger l’enseignant », sans l’entendre ni lui expliquer cette décision. La Brigade des Mineurs mène une enquête, remarquable d’ailleurs, mais qui prend plusieurs semaines. Les accusations se délitent et s’évaporent. Trois heures d’audition ce matin pour parvenir à ce qu’il est convenu d’appeler la réalité : pas d’attouchements, pas de violences mais un superbe gâchis. Ce jeune professeur est extrêmement choqué et le mal est fait : ayant « disparu de la circulation » depuis plusieurs semaines, la rumeur qui faisait état de ces accusations a bien entendu été étayée par son éviction soudaine. Il ne retournera pas dans cet établissement. Il se demande s’il va continuer à enseigner.
Debrief post audition : que faire ? Que dire ? Y-a-t-il seulement quelqu’un à blâmer ? Les élèves (les accusateurs avaient une douzaine d’années) ? Sûrement pas : il ne s’agit pas de leur imputer les erreurs de discernement de leurs aînés, ni de négliger leurs plaintes ou leurs accusations. Il faut systématiquement les entendre mais il faut aussi chercher à comprendre. Le Directeur d’établissement ? En présence d’accusations de ce type, il se doit de faire un signalement au Parquet et de saisir le Rectorat. Il pourrait lui être reproché de sous-estimer – pire – d’étouffer une affaire en ne signalant pas. Le Rectorat ? Le Rectorat applique une position constante : en présence « d’accusations graves », il envisage toujours une mesure de suspension « qui ne présume pas de la responsabilité » et qui protège élèves et enseignants (cette suspension est d’une durée maximale de 4 mois, sauf ouverture d’une information judiciaire). Le Parquet ? Le Parquet déclenche une enquête parce qu’il est saisi de faits potentiellement graves et qu’il doit sur ce point des comptes à la société civile…
Pas question de baisser les bras cependant : si personne n’est à blâmer, tous doivent être sensibilisés.
Les élèves : porter des accusations contre un professeur est un acte grave. Le faire à mauvais escient ou gratuitement ou pour se venger, c’est commettre une faute contre la morale et c’est aussi rendre plus difficile à discerner les accusations vraies, les agressions réelles sur des mineurs. Cette information peut faire partie de leur éducation.
Le directeur d’établissement et le Rectorat : à supposer que le signalement et la suspension soient des maux nécessaires, que la paix d’un établissement et la sérénité des enseignements passent par la mise à l’écart temporaire d’un enseignant, essayons de l’admettre. Mais il faut communiquer : recevoir ce professeur, l’entendre, lui expliquer la situation, lui proposer un accompagnement. Ce jeune enseignant s’est vu notifier une décision de suspension non motivée, sans autre forme d’explication.
Enfin, dans ce type de dossier, l’enquête doit être précise et rapide. Rapide, surtout rapide : il faut faire le moins de mal possible, il ne faut pas compromettre l’envie d’enseigner, l’engagement d’une vie au service de l’enseignement par une procédure qui traîne et ne débouche finalement sur rien si ce n’est un classement sans suite. En l’espèce ce vœu a été exaucé : 6 semaines d’enquête jusqu’à cette audition, encore quelques semaines avant un classement sans suite annoncé. C’est un moindre mal. Un mal néanmoins, admettons qu’il soit nécessaire. Il faut maintenant accompagner cet enseignant, le rassurer, l’aider à passer à autre chose. La mission d’enseignement doit résister à tout, y compris à ça.
C’est le message de l’Autonome de Solidarité Laïque dont nous sommes le conseil dans ce type de dossier. C’est d’ailleurs le plus souvent cette seule association qui soutient les enseignants confrontés à une procédure pénale. Son combat quotidien continue : informer les collègues enseignants. Ils sont tous fragiles devant ce type d’accusation et ne doivent en aucun cas rester seuls.