A partir de 2009 de nombreux particuliers se sont vu proposer des emprunts à taux attractif rapidement dénommés prêts toxiques dans la mesure où le capital emprunté était libellé en francs suisses alors que les mensualités étaient payées par l’emprunteur en euros. Ce mécanisme reposait sur  la stabilité du rapport euro/franc suisse. En cas de décrochage de l’euro par rapport au franc suisse, le capital à rembourser était susceptible d’augmenter considérablement. Les consommateurs ont été « endormis » – au sens que les services d’espionnage donnent à ce terme – par un discours rassurant voir lénifiant des banques qui leur proposaient ce produit : il n’y avait aucune chance de décrochage pour les siècles des siècles. Amen.

Sauf que le franc suisse va devenir une valeur refuge, que la banque centrale suisse va « lâcher » sa propre monnaie qui va s’apprécier considérablement. En 2009 il fallait 1,50 franc suisse pour acheter un euro. Au dernier cours de 2017, il faut 1,08 franc suisse pour acheter un euro… Au fil des années, les emprunteurs ont vécu cette expérience angoissante : le capital restant du augmentait nonobstant les remboursement du prêt. Pour 100.000 euros empruntés, il fallait en rembourser finalement 140.000 euros. Et ce n’est pas le taux d’intérêt qui explosait mais bien le capital lui-même!

De nombreux consommateurs ont cherché à engager la responsabilité des banques et nous avons, comme d’autres, travaillé sur ce sujet. Nous avons lancé des procédures civiles qui sont en cours  dans le ressort de la Cour d’Appel de Douai. Une procédure pénale s’achève à Paris qui devrait « finir » en correctionnelle bientôt : la presse nationale a rapporté ce renvoi.

Le moins qu’on puisse dire est que les banques mises en cause ont contesté tout azimut un quelconque vice du consentement du consommateur, un quelconque manquement à l’obligation d’information et même le caractère éventuellement abusif (au sens de l’article L.212-1 du Code de Consommation) du dispositif contractuel. Les juges du fond ont souvent fait droit aux arguments mis en avant par les banques :  le mécanisme spécifique du prêt figurait dans l’offre et le consommateur était censé comprendre le potentiel risque de change.

En équité pourtant, cette position n’était pas légitime. Au moins en ce qui concerne l’un des produits commercialisés dénommé HELVET IMMO, la preuve est apportée que ce produit financier avait été conçu pour être incompréhensible (« inbitable » disait l’un de nos clients .. médecin) par la moyenne des clients puis emballé dans une démarche marketing anormalement rassurante.

La perspective d’être indemnisé était donc très aléatoire. Manches retroussées, nous attendions l’appréciation souvent pragmatique des juges de cassation.

Et soudain l’espoir changea de camp et le combat changea d’âme.

Par deux arrêts du 29 mars 2017, la Cour de Cassation a atomisé deux arrêts de la Cour d’Appel de Paris et de la Cour d’Appel de Douai qui avaient rejeté les deux arguments les plus souvent soutenus par les emprunteurs.

  • la banque avait bien une obligation de mise en garde du consommateur sur le risque spécifique :

Attendu que, pour écarter les prétentions de l’emprunteur non averti qui invoquait un manquement de la banque à son devoir de mise en garde, l’arrêt retient que celle-ci s’est fait communiquer les éléments utiles sur la situation de son client, que le mécanisme décrit dans le contrat de prêt litigieux établit que toute évolution du taux de change euro/ franc suisse défavorable à l’emprunteur n’augmente pas le montant de ses mensualités, qu’une telle évolution a pour conséquence d’accroître le montant du capital restant dû et, ainsi, d’allonger la durée d’amortissement du prêt d’un délai maximum de cinq ans, qu’en cela, la charge mensuelle d’une telle évolution défavorable ne varie pas, de sorte que le manquement de la banque au devoir de mise en garde, qui s’apprécie au jour de l’octroi du crédit et non pendant l’exécution du contrat, n’est pas démontré ; 
Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, s’il existait un risque d’endettement excessif né de l’octroi du prêt, au regard des capacités financières de l’emprunteur, justifiant sa mise en garde par la banque, la cour d’appel a privé sa décision de base légale
(Cour de Cassation, 1ère Chambre 29 mars 2017)

  • la clause d’indexation était bien abusive comme faisant porter le risque uniquement à l’emprunteur :

Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, devenu L. 212-1 du même code en vertu de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; 
Attendu que la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu’il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l’applique pas, sauf si le consommateur s’y oppose (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon, C-243/ 08) ; qu’aux termes du texte susvisé, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; 

Attendu que l’arrêt juge régulière la cluse d’indexation et rejette les demandes en responsabilité et indemnisation formées par l’emprunteur ;
 
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait des éléments de fait et de droit débattus devant elle que, selon le contrat litigieux, toute dépréciation de l’euro par rapport au franc suisse avait pour conséquence d’augmenter le montant du capital restant dû et, ainsi, la durée d’amortissement du prêt d’un délai maximum de cinq ans, de sorte qu’il lui incombait de rechercher d’office, notamment, si le risque de change ne pesait pas exclusivement sur l’emprunteur et si, en conséquence, la clause litigieuse n’avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du consommateur, la cour d’appel a violé le texte susvisé
(Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile 29 mars 2017 – pourvoi 15-27231)

Lorsque c’est dit par la Cour suprême ça paraît évident : le risque de change était tout entier assumé par le consommateur et il y avait donc un réel déséquilibre au détriment de ce dernier et ce d’autant plus qu’il avait été sciemment induit en erreur.

Ceux d’entre vous qui rembourseraient en ce moment un prêt de ce type et sans chouiner doivent consulter et agir : vous avez été abusés.