Comme bon nombre de français – et l’ensemble des avocats – je suis avec un intérêt pas tout à fait sain le naufrage de l’affaire Johnatann Daval. C’est le naufrage d’un homme évidemment qui après avoir commis l’irréparable se vautre dans une incompréhensible inhumanité et accepte la compassion, le soutien et la consolation de ceux-là même qu’il a affligés. Il y a suffisamment de psychiatres sur BFMTV pour nous éclairer sur ce point, je passe.
Ce qui coule à pic également, c’est une certaine image/cliché de l’avocat pénaliste, (souvent présenté comme un) mercenaire brutal et sans scrupule qui parvient – parfois – à extraire la part d’humanité d’un client au comportement ignoble et obtient qu’il soit jugé comme un homme (ou une femme) et pas uniquement comme auteur du crime commis. Cette alchimie subtile – je précipite les atomes d’humanité de l’assassin pour reconstituer ce qui aurait plus ou moins la forme d’un coeur – sanctifie tous les systèmes de défense. Et il est un point au delà duquel l’avocat n’est plus un type qu’on paie (ou pas) pour être défendu, mais un type qui accepte d’être un intercesseur, un passeur, qui explique aux gens normaux (!) qu’on ne doit pas condamner sans comprendre. L’avocat est un mercenaire désintéressé.
Mais bon sang, l’avocat doit être cohérent. Nos confrères qui défendent le prénommé Johnatann ont assisté ce dernier dans son rôle de composition : victime collatérale d’un meurtre sordide commis sur la personne de son épouse. Johnatann leur a donc menti avec constance. Ils n’ont pas pu avoir accès à sa vérité (qu’en auraient-ils fait? C’est un sujet pour un autre article). Ils n’ont pas touché sa part d’humanité. Il semble d’ailleurs que Johnatann y ait renoncé pour un temps (c’est une option envisageable pour l’être humain semble-t-il je renvoie aux psychiatres qui officient également sur CNEWS). La bonne attitude était alors de passer la main, de sortir du dossier (oui je sais c’est cruel, les flashes, les spots dans les yeux quand on parle à la France et tout ça ..). Se retirer du dossier dès les aveux prononcés. Et participer une ultime fois à la défense de leur (pour quelques minutes encore) client. Comment?
En provoquant une conférence de presse, pour dire qu’eux avocats n’ont pas été inclus – sans que cela soit de leur faute – dans le drame intime vécu par leur client, dire que celui-ci n’est pas une victime et que leur rôle est donc terminé. Comme un ultime hommage – celui-à eut d’ailleurs été efficace – ils auraient alors pu témoigner de son désarroi, de sa souffrance, de sa perte de repères : exposer cette part d’humanité que j’évoquais, et qui existe nécessairement. Et passer la main, avec dignité. En recherchant tout de suite un ou plusieurs confrères pour leur succéder, dans un mouvement sans à-coup, fluide et cohérent.
Cohérent.
C’est ce qui m’afflige le plus. L’avocat doit être cohérent, les conseils de Daval ne le sont pas. Ils ont continué à parler de leur client en utilisant un vocabulaire de victime. Ils ont évoqué la personnalité écrasante de sa femme comme s’il en avait suffisamment souffert pour commettre un crime, il n’y a pas eu dans leur bouche un mot de compassion parce qu’une victime n’a pas de compassion pour son bourreau. Bref : ils ont offert le spectacle de professionnels de la défense dépourvus de la qualité dont ils peuvent en temps normal se barder pour résister à toutes les critiques : la cohérence.
Et enfin, c’est ce qu’il y a de pire à mes yeux : ils ont desservi l’auteur du meurtre. Les media le pensent et le disent : c’est un être vil et sans coeur. Par la faute de ses avocats, il a au surplus été privé de son seul moyen de défense inoxydable : sa part d’humanité. Elle est tombée aux oubliettes. Confrères, déportez-vous. Il n’est d’oubliettes dont on ne puisse remonter.