CONTESTATION D’UN ARRET DES SOINS EN HAD : QUI QUAND COMMENT
Les équipes médicales sont régulièrement affrontées aux difficultés de mise en œuvre des articles 1110-5 et 1110-5-1 du code de santé publique (CSP) lorsqu’un patient est en état de mort cérébral ou dans un état « irrémédiablement » compromis et qu’il faut mesurer le risque d’une possible « obstination déraisonnable » dans les soins, et si possible l’éviter – après avoir pris l’avis de la famille.
L’article 1110-5-1 précise que « les actes mentionnés à l’article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu’ils résultent d’une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d’état d’exprimer sa volonté, à l’issue d’une procédure collégiale définie par voie réglementaire. La nutrition et l’hydratation artificielles constituent des traitements qui peuvent être arrêtés conformément au premier alinéa du présent article ».
Ce type de procédure est délicat à gérer sur le fond comme sur la forme : il est le plus souvent consécutif à l’échec des professionnels de santé à faire comprendre, ou à faire admettre à une famille que poursuivre des soins constituerait un acharnement thérapeutique. Et les familles de patients, souci légitime de ne pas perdre définitivement un être cher, sont de plus en plus promptes à saisir le tribunal administratif : en voici un exemple tout récent.
En l’espèce une jeune femme totalement aréactive comme victime d’une SLA (sclérose latérale amyotrophique) en phase terminale est hospitalisée en HAD (hospitalisation à domicile). Elle est porteuse d’une sonde gastrique dont la mobilisation devient difficile et le remplacement très problématique. Sa famille saisit M. le Président du Tribunal Administratif sur le fondement de l’article 521-2 du code de justice administrative (le fameux référé liberté) au motif que la décision de ne plus changer la sonde gastrique et d’envisager d’y substituer une perfusion glucosée constituerait un manquement à « l’obligation de soins appropriés » visée à l’article L1110-5.
QUI : la famille a mis en cause devant le Tribunal l’équipe mobile (hospitalière) de soins palliatifs qui intervient régulièrement pour évaluer la patiente. La juridiction rappelle que dans cette situation de HAD c’est au médecin traitant qu’il appartiendrait de prendre une décision de limitation ou d’arrêt des soins au terme de la procédure collégiale prévue à l’article R4127-3-2 CSP et non à l’hôpital.
QUAND : la famille, inquiète de constater que la sonde gastrique n’avait pas été changée au même rythme que d’habitude et évoquant par ailleurs une prescription récente d’Hypnovel, prétendait qu’une décision d’arrêt des soins avait été implicitement prise hors son avis, ce qui justifiait la saisine du Tribunal. Ce dernier relève qu’aucune décision n’a été expressément prise par l’équipe médicale, ce que celle-ci confirme à l’audience – de sorte que les conditions de l’article 521-2 ne sont pas remplies.
COMMENT : enfin, le Tribunal se refuse à fournir une appréciation sur l’opportunité et la qualité des soins prodigués. Il estime même qu’une mesure d’expertise portant sur la possibilité de changer la sonde gastrique n’est pas opportune dès lors que les requérants n’établissent pas avoir formulé une telle demande auprès des médecins, ni a fortiori qu’elle leur aurait été refusée.
(ORDONNANCE TA LILLE 16 MARS 2018 – N°1802161-9)