Nous avons évoqué il y a quelques semaines la mise en cause devant la Chambre Disciplinaire du Conseil de l’Ordre des Médecins d’un jeune praticien hospitalier qui avait rédigé un témoignage (« Papa!Pourquoi tu dors encore à l’hôpital? » dont nous ne saurions trop recommander la lecture), décrivant ses conditions de travail et ses états d’âme au sein du service des urgences d’un grand hôpital. Il était reproché à l’auteur des commentaires peu amènes à l’égard de certains de ces confrères, pouvant être considérés comme des manquements à la confraternité.

Dans sa grande sagesse, la Chambre Disciplinaire a relaxé l’auteur, estimant que les anecdotes rapportées dans l’ouvrage ne constituaient pas des manquements à la confraternité.

Dans la mesure où l’évocation de cette procédure a causé un certain émoi et même un émoi certain dans la communauté médicale, nous reproduisons les principaux « considérant » qui mettent le Dr X hors de cause. Nous espérons ainsi que les médecins retrouveront dans la lecture de cette décision une confiance dans la justice ordinale qu’ils n’avaient d’ailleurs peut-être pas tous perdue!

« Considérant en premier lieu qu’en page 92 de l’ouvrage en cause, le Dr X après avoir relaté sa rencontre à l’occasion d’un colloque avec le chef de réanimation de l’hôpital et désigné son interlocuteur comme un homme « assez sympathique » conclut son propos en indiquant « Mon cerveau imprime donc deux éléments clés qui s’avéreront être deux erreurs fondamentales : un que les patrons sont accessibles et deux que les gens du Nord sont sympathiques, ce qui change des codes parisiens », que ces dernières considérations qui portent des appréciations sur l’amabilité des habitants de la région devenue celle des Hauts de France et sur l’accessibilité des patrons en général, en tirant les leçons d’une prise de conscience qu’évoque l’auteur, sans faire de lien direct avec le récit de sa rencontre avec le chef du service de réanimation du centre hospitalier, lequel est au demeurant difficilement identifiable pour la plupart des lecteurs, ne peuvent être regardées, à elles seules même en faisant abstraction du ton humoristique imprégnant l’ouvrage dans lequel elles s’insèrent comme constituant une méconnaissance du devoir de confraternité rappelé par les dispositions précitées de l’article R4127-56 du CSP.

« Considérant en second lieu que si à la page suivante de son ouvrage le Dr X évoque les parties de tennis de table qu’avaient l’habitude de disputer, durant la pause méridienne, les médecins spécialistes y compris les réanimateurs et s’il indique que cette pratique exaspérait certains de ses collègues urgentistes au motif qu’elle rendait improbable toute visite ou consultation chez les spécialistes qui prenaient part à cette activité, l’auteur prend aussitôt le soin de ne pas s’approprier et de relativiser cette appréciation en ajoutant : « je ne sais pas si cela était vrai », qu’ainsi s’il a pu un temps irriter le chef de service cet extrait qui fait surtout office de préambule à la description d’une blague ayant consisté pour le Dr X avec l’aide d’un autre urgentiste, à dérober la table de ping pong pour la dissimuler durant quelques temps dans un local du service, ne peut suffire, même dissocié du contexte de l’ouvrage à déconsidérer la profession médicale à l’égard du grand public… »

Ouf, le droit au brocard et à l’humour est sauf. Allez en paix (mais n’en abusez pas).